Dans les interstices de l’écart et de l’entre, (re)Penser la hiérarchie inclusive et égalité excluante

François Julien, dans sa leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité déclarait en 2012 « l’écart laisse paraître […] une fécondité. Les cultures et les pensées ne s’y trouvent plus abordées, en effet comme sous le rangement de la différence, selon une perspective identitaire » puis de continuer « à la différence de la différence, l’écart est productif. Productif par la mise en tension qu’il organise et qui sur le plan culturel, intellectuel, se traduit en réflexivité. Or, demandons-nous maintenant : de quoi est-il productif ? […] l’écart produit de l’entre. […] Ainsi, le propre de l’ « entre » est-il d’exister, non pas en plein, mais en creux ».

L’anthropologue, de par son approche à la fois dans et hors de son terrain est dans le vécu de cette distance, de ces interstices féconds où il explore à la fois les écarts différenciants les vécus des locuteurs avec qui il travail, et dans le même temps les entre par sa capacité à établir des ponts de compréhensions entre locuteurs de vécu différents.

De nombreux chercheur.es ont travaillé et écrit sur ces notions (Stiegler, Dumont, Descombes…) cherchant toujours à appréhender l’essence de l’être à savoir sa capacité à se définir en se monde suivant le paradigme identitaire. Ceci nous amène tout d’abord à envisager les concepts d’Individu et de Personne tels que définis par Louis Dumont et Vincent Descombes. En effet, pour définir le concept d’Individu, j’emprunte à Louis Dumont les distinctions faites du « sujet empirique, échantillon indivisible de l’espèce humaine, tel qu’on le rencontre dans les sociétés, d’une part ; et d’autre part l’être moral, indépendant, autonome, et ainsi (essentiellement) non social, tel qu’on le rencontre avant tout dans notre idéologie moderne de l’homme et de la société » (Dumont, 1983 :304). Le concept de Personne, de par sa longue tradition historique  (Carrithers, Lukes, Collins, 2008 : vii-viii) et la multiplicité de ses acceptions, a occupé de nombreux philosophes et penseurs. Il ne s’agit pas ici de revenir sur les débats qui animent la définition de ce concept, mais d’en déterminer les contours pour une analyse des travaux qui ont jalonnés mon parcours intellectuel et scientifique. Le concept de personne recouvre deux réalités, l’une empirique, en référence au concept de substance « qu’on ne peut pas caractériser ou décrire, mais seulement invoquer pour servir de support ontologique aux qualités sensibles de la chose » (Descombes, 2013 :101) et l’autre morale, à l’origine de la construction du Self qui permet de se concevoir dans une continuité d’existence et psychique au travers de la discontinuité des expériences rationnelles et émotionnelles. 

Ces positions de l’humain en tant qu’individu ou personne dans le monde qui l’entoure amènent des organisations sociales très contrastées. Ce séminaire de recherche a pour objectif d’explorer le camaïeu de ces organisations du point de vue de l’anthropologue, du sociologue, du linguiste, du philosophe, de l’historien, du préhistorien, de l’archéologue, du politiste, du géographe afin d’explorer toujours un peu plus ces interstices qui rendent compte du dynamisme social.

La hiérarchie ou son pendant l’égalité renvoie à des formes ancestrales d’organisation sociales qui suivant les périodes de l’humanité vont prendre des dénominations différentes car comme l’exprime Émile Benveniste (1974 :91) « la société est donnée avec le langage. La société à son tour ne tient ensemble que par l’usage de signes de communications. Immédiatement, le langage est donné avec la société ».  Aussi, penser la capacité inclusive ou exclusive d’une forme d’organisation sociale dépend éminemment du point de vue non seulement historique mais également linguistique adopté. Comment rendre compte de ce que les locuteurs de telle ou telle société vivent dans leur rapport à autrui ? quelles sont les implications d’un changement de paradigme pour ces locuteurs lorsque leurs organisations dites traditionnelles se modernisent ?

Louis Dumont dans son ouvrage Homo Hierarchicus écrivait à l’adresse de son public occidental « la caste a quelque chose à nous apprendre sur nous-même ». Là est tout l’enjeux de la compréhension du proche, il se construit et se nourri de ces creux qui laissent émerger ce que le chercheur ne perçoit qu’au prisme de la réflexivité.

Dans le cadre de ce séminaire de recherche, nous explorerons le proche au prisme de l’étude et de l’analyse de terrains soit éloignés géographiquement, historiquement, du point de vue linguistique, social ou culturel.

28 Octobre 2022, Tiphaine Duriez, Directrice du LADEC, Université de Lyon2.
Salle Salle Ennat Leger MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

9 Décembre 2022, Dejan Demitrejevic, Professeur d’Anthropologie, LADEC, Université Lyon2

3 Mars 2023, Jean-Claude Galey, Professeur d’Anthropologie émérite, EHESS – Paris , CEIAS
Salle André Froissard MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

7 Avril 2023 : Rozenn Guerois, Linguiste, Chargée de Recherche CNRS, LLACAN
Salle Ennat Leger MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

5 Mai 2023 : Bernard Moizo, Directeur de recherche IRD, GRED
Salle Ennat Leger MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

2 Juin 2023 : Sandra Schaal, Professeur d’Etude Japonaise, Université de Strasbourg, GEO
Salle André Froissard MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

10 Novembre 2023 : Toufik Ftaïta, Université Côte d’Azur, LIRCES
Salle Ennat Leger MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

1er Décembre 2023 : Sylvie Monchâtre, Sociologue, Professeure à l’IETL (Institut d’Etudes du Travail de Lyon), Centre Max Weber (à confirmer)
Salle Ennat Leger MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

2 Février 2024 : Claire Harpet, Ingénieur de recherche, Faculté de Philosophie de Lyon3, EVS ( à confirmer)
Salle Ennat Leger MSH Lyon St-Etienne, 14 avenue Berthelot – 69363 Lyon cedex 07

1er Mars 2024 : Constance Arminjon, Directrice d’Etude EPHE section5, Chaire Histoire intellectuelle du Shi’isme contemporain.