Mise à jour le 18 nov. 2025

Partenariat entre le LADEC et La Maison d'Izieu

Publié le 12 février 2025 Mis à jour le 18 novembre 2025

La Maison d’Izieu et le Laboratoire d’anthropologie des enjeux contemporains, ou LADEC, se réunissent pour proposer un séminaire de recherche pluridisciplinaires sur plusieurs années. Il s'agira de croiser des regards interdisciplinaires sur les crimes de masse, avec des perspectives anthropologiques, juridiques et historiques.

Massacre, crime de guerre, crime contre l’humanité, génocide… autant de termes qui sont devenus objets du droit après la Seconde Guerre mondiale. La césure historique qu’a constitué cet événement est notamment signifiée par deux rejets fondamentaux : 1) la disqualification définitive de la raciologie et du classement hiérarchique des groupes humains, 2) la condamnation universelle de l’entreprise coloniale.

Ces nouveaux objets du droit ont principalement été formés sur la base des décisions judiciaires des procès des crimes de masse commis par l’Allemagne nazie. Ces instructions créent un nouveau cadre juridique, qui se donne pour ambition d’ouvrir une ère où l’élaboration de différentes convention et traités sont sensés contribuer à la domestication et à la maîtrise de la violence pour qu’elle ne devienne pas extrême. Néanmoins les grandes puissances se sont souvent abstenues de les ratifier afin de ne pas en subir les conséquences.

Depuis lors, les définitions données à ces qualifications juridiques sont en constante évolution. Les conflits et rapports de force contemporains nécessitent d’être pris en compte. Ces situations nouvelles impactent non seulement la perception des violences contemporaines mais elles contribuent aussi à reconsidérer celles du passé, remodelant ainsi les catégories. Certaines violences jugées désormais « extrêmes » sont mises hors la loi et comme telles, durement sanctionnables.
 
Ce séminaire s’inscrit dans les recherches du premier pôle de recherche du LADEC « Mondes défaits / Mondes refaits » qui traite des situations de violences, de menaces et de transition incertaines, mais également aux processus de reconstruction, de production de savoirs et d’utopies. Il est né d’interrogations et problématiques issues des échanges entre le LADEC et la Maison d’Izieu. 
En 2024 / 2025, première année de ce partenariat, la thématique traitée « La place de l’enfance dans la guerre : subjectivité et expérience armée ».
Cycle 2025-20206 | Témoins, témoignages, témoigner
Le LADEC de l’Université Lumière Lyon 2 et la Maison d’Izieu débute le cycle 2 du séminaire de recherche.
Les crimes de masse sont désormais abordés sous l’angle « témoins, témoignages, témoigner », toujours en croisant les regards des différentes disciplines – Anthropologie, Droit et Histoire.
 
1. Qu’est-ce qu’un témoin ? Une figure plurielle, située et évolutive
Le témoin n’est jamais une entité neutre : il est situé dans une temporalité, une société, une mémoire. Historiens, anthropologues et philosophes s’accordent à dire que le témoin est à la fois porteur d’une subjectivité et d’un rapport au réel, qu’il soit le sien ou celui de tiers.
Loin d’être seulement « celui qui a vu », comment devient-il un acteur de l’histoire, un relais de mémoire, parfois aussi un médiateur ou une victime ? Qui porte le témoignage après la disparition du témoin ? Comment distinguer le témoin de son délégué ? Comment ceux qui prennent le relais redéfinissent-ils l’héritage et l’acte de témoigner ?
♦ Pour l’historien, le témoin est une source, mais aussi un problème méthodologique.
♦ Pour l’anthropologue, il est porteur de représentations culturelles et sociales.
♦ Pour le journaliste, il est une voix directe du terrain, mais aussi un enjeu d’éthique et de véracité.
♦ Pour le juge, il est à la fois un élément de preuve et un humain faillible.
 
2. Le rôle du témoignage dans la construction de la mémoire collective
Dans les contextes post-traumatiques, le témoignage est un outil de transmission et de reconnaissance. Il participe à l’élaboration des mémoires collectives, parfois antagonistes. Les témoignages sont des objets d’archives, de recherches, des supports de commémoration et de contestation mais aussi des instruments de justice qu’elle soit symbolique, restaurative ou pénale.
 
3. Témoigner en justice : entre parole, preuve et reconnaissance
Dans le cadre judiciaire, le témoin est investi d’un rôle précis : dire ce qu’il a vu ou vécu pour établir des faits. Mais qu’en est-il lorsque les faits sont anciens ? Quand les souvenirs sont flous ou chargés d’affects ou quand le dire n’amène pas de délibérations ? Le témoignage devient alors à la fois une arme de vérité et un champ de tension entre mémoire et preuve et un rendre justice.
♦ Tribunaux pour crimes de guerre, cours d’assises, commissions vérité et réconciliation, processus de justice transitionnelle.
 
4. Le témoignage à l’ère numérique : immédiateté, visibilité, responsabilité
Les réseaux sociaux et les nouveaux médias ont bouleversé les manières de témoigner. N’importe qui peut être témoin, capter et diffuser une image, un cri, une injustice. Mais cela pose de nouvelles questions : authenticité ? manipulation ? surmédiatisation ? embargo ? rôle du témoignage dans l’activisme et la justice sociale ?
Cycle 2024-2025 | La place de l’enfance dans la guerre | Subjectivité et expérience armée
La Maison d’Izieu et le Laboratoire d’anthropologie des enjeux contemporains, ou LADEC, se réunissent pour proposer un séminaire de recherche pluridisciplinaires sur plusieurs années.
Dans son roman autobiographique publié en 1994, André Frossard déclarait que « Dans les guerres, ce ne sont peut-être pas les enfants que l’on vise, mais c’est eux que l’on tue. » Partant de cette citation, la première année (2024-2025) sera plus particulièrement consacrée à l’enfance et explorera principalement les perceptions que notre époque propose des massacres présents et passés (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides…).

Durant six séances, les intervenants entendent apporter un éclairage par leur expertise dans différentes disciplines afin de fournir des éléments de réponse à ces questionnements : Dans quelles mesures l’expérience de la guerre transforme-t-elle l’expérience de l’enfance? Quelle place occupe l’enfance dans la guerre? Comment en rendre compte d’un point de vue historique, mais aussi anthropologique, juridique, médiatique ou encore mémoriel? Car comment articuler le devoir de mémoire et le droit à l’oubli des enfants qui, pris dans la guerre, sont toujours victimes, tout en pouvant être soldat?

La Maison d'Izieu

Liée à l’une des tragédies les plus bouleversantes de la Seconde Guerre mondiale, la Maison d’Izieu est aujourd’hui un musée-mémorial, lieu de mémoire nationale, d’éducation et de vie.
Dans cette maison du Bugey, Sabine et Miron Zlatin accueillent à partir du printemps 1943 plus d’une centaine d’enfants juifs afin de les soustraire aux persécutions antisémites. Au matin du 6 avril 1944, 44 enfants et 7 de leurs éducateurs sont raflés et déportés sur ordre de K. Barbie, un des responsables de la Gestapo de Lyon. Une seule personne en revient, Léa Feldblum, l’une des monitrices.
Site protégé et classée Monument historique, la Maison d’Izieu devient l’un des trois lieux de mémoire nationale avec le Vélodrome d’Hiver et le Camp de Gurs. Elle comporte aussi un Centre de documentation et de recherches qui a pour mission de constituer et d’enrichir un fonds spécialisé sur les thèmes de travail et de recherche de la Maison d’Izieu.
Un grand nombre de spécialistes en droit comme en psychologie gravitent autour de la Maison d’Izieu. Leur expertise associée à celle des membres du musée-mémorial a permis de monter des conférences, colloques ou séminaires sur des thématiques très spécifiques. La Maison d’Izieu a la volonté d’être moteur sur ces différents domaines de la recherche scientifique par sa vision historique et transversale. En 2024, elle s’engage aux côtés du LADEC pour des projets d’études et de recherches interdisciplinaires.
https://www.memorializieu.eu/